Actualités

Mardi 12 Avril 2022
Basculons ! : « un plaidoyer intergénérationnel pour la défense du vivant »
L'enjeu : participer à la bataille culturelle en rendant visibles les bascules des jeunes, promouvoir des modes de vie plus sobres et bas carbone, et transformer la compétition en coopération.
Avec Maxime Ollivier, vous avez lancé La Bascule. Comment ce mouvement s'est lancé en 2019 et où en est-il ?
Tanguy DESCAMPS : La Bascule s'est lancé en février 2019 à l'initiative de Maxime de Rostolan. L'intention était de créer un lobby citoyen pour enclencher une bascule écologique, solidaire et démocratique. Cette idée a été soutenue et activée par une vingtaine d'étudiants. Durant neuf mois, dans une ancienne Polyclinique bretonne réaffectée suite à un chantier participatif de trois semaines, une centaine de jeunes s'y est engagée à temps plein, incarnant un quotidien de sobriété, de coopération et de travail sur des projets soutenables. Au final, c'est l'expérience transformatrice qui est retenue comme étant la force principale de cette année. En 2020, La Bascule s'est transformée en archipel, donnant plus d'autonomie aux projets, qui continuent de se soutenir les uns les autres. Il y a ainsi Bascule Argoat, un lieu de transition à Plouray mais aussi l'Îlot Vivant au sud de Rennes et la Caserne Bascule à Joigny en Bourgogne. Enfin, les parcours fertîles, d'une à sept semaines, permettent à ceux qui le veulent de "coopérer, s'engager et vivre autrement".
Vous venez de sortir aux éditions Actes Sud, un cahier militant "Basculons !" afin d'inspirer d'autres jeunes et d'autres générations à basculer aussi. Qu’attendez-vous de cet appel ?
Si nous avons eu l'idée de ce livre en août 2019 avec Maxime Ollivier, c'est parce que nous percevions qu'une nouvelle génération était en train de s'engager - de manière forte - pour l'écologie, la solidarité et la démocratie. En rencontrant ces jeunes, qui partageaient la même prise de conscience et la même envie d'agir face à l'urgence écologique, nous avons pensé qu'il fallait raconter leurs histoires : par quels doutes sont-ils passés ? Quels changements ont-ils opérés dans leur vie et dans leurs relations à leurs amis et parents ? Comment ont-ils trouvé l'énergie de s'engager ?
Pendant deux ans, nous avons récolté leurs témoignages. Puis nous les avons fait lire à des acteurs des transitions, plus âgés, des défricheurs de l'écologie. Ceux-ci ont à leur tour écrit des textes dans lesquels ils portent leur regard sur cette "Génération Bascule" et la mettent en miroir de leurs propres engagements.
Les intentions de livre sont donc multiples : participer à la bataille culturelle en rendant visibles les bascules de ces jeunes, donner confiance à celles et ceux qui hésiteraient à basculer à leur tour vers des métiers et engagements écologiques, mais aussi favoriser le dialogue et une action intergénérationnelle à la hauteur des enjeux, dans un univers médiatique qui a tendance à accentuer la fracture entre "Boomers" et "Génération Climat".
Quel mode de vie voulez-vous promouvoir auprès de la jeunesse ?
Les contributeurs sont trente jeunes de 18 à 35 ans, rencontrés au sein de l'écosystème des mouvements écologistes. La plupart d'entre eux ont fait des études (commerce, ingénieur, sciences politiques) et ont décidé de ne pas suivre la voie toute tracée. Ils s'engagent dans le milieu associatif, en entreprise, en administration, en politique ou encore dans des écolieux ou des fermes agroécologiques. Leurs stratégies sont diverses mais la vision reste celle d'un nécessaire changement structurel de nos modes de fonctionnement économiques.
Nous promouvons ainsi des modes de vie plus sobres en carbone et plus riches en joies, plus respectueux et attentifs au vivant, coopératifs plutôt que compétitifs, résolument conscients du rôle que chacun, en tant qu'individu mais surtout en tant que citoyen, peut avoir sur la bascule de notre société. En cela, nous invitons aux initiatives pratiques et politiques, à l'art et au lobbying citoyen, à la créativité et à l'élaboration de rêves ambitieux, tant que ceux-ci s'inscrivent dans le respect des limites planétaires.
Au moment où vous portez l’ambition d’une bascule des jeunes et des moins jeunes, d’autres choisissent majoritairement des modes de vie consuméristes, montent des start up avec des visées purement financières. Comment ramener le plus grand nombre à cette sobriété souhaitable ?
"Nous ne souffrons pas tant d'un trop-peu, que du trop-plein de cette époque engoncée dans cette fausse abondance, offerte à quelques-uns au détriment des autres", écrivons-nous avec Maxime dans l'introduction de Basculons !
Pour que la sobriété soit massive, il faut tout d'abord qu'elle soit portée comme idéal de société, infiltrer tous les pans de la culture populaire et devenir la nouvelle tendance. Cela passe par la diffusion de nouveaux récits qui mettent en avant la richesse des liens et des choses simples, plutôt que celle des biens et de l'opulence.
Ensuite, cette sobriété doit pouvoir s'appliquer, très concrètement. Elle doit faire la preuve qu'elle peut s'anticiper, plutôt que d'être subie. Cela nécessite l'élaboration de plans précis et adaptables. Cela implique la garantie des besoins essentiels aux personnes les plus précaires et un effort de renoncement des citoyens et structures, proportionnel à leur richesse financière et leur contribution aux émissions de gaz à effet de serre et à la dégradation du vivant. Ces mesures sont absolument nécessaires pour qu'écologie rime avec justice sociale. Ne pas appliquer cette vision serait irresponsable et dangereux.
Enfin, cette sobriété doit s'imposer comme la vision raisonnable de notre époque, à travers une éducation poussée aux enjeux écologiques à tous les moments de la vie (école, collège, lycée, études supérieures, formation professionnelle), une diffusion pleine et entière par les médias des tenants et aboutissants des crises systémiques que nous traversons, et un accompagnement des pouvoirs publics à la reprise en main, par les citoyens, de leur pouvoir d'action.
Un adage dit "Si jeunesse savait, si vieillesse pouvait".
Au 1er tour des élections présidentielles de 2022, 40% des 18-35 ans ayant voté ont voté pour un candidat portant un programme écologiste, contre seulement 23% des 50-64 ans et 14% des plus de 65 ans.
Aussi, j'ai envie de renverser l'adage : "Si jeunesse pouvait, si vieillesse savait".
Notre génération a davantage conscience de la nécessité d'une sobriété. Aux générations du dessus : rejoignez-nous dans cette ambition, vous le pouvez ! Ensemble, nous ferons basculer nos modes de vie, nos politiques publiques, notre droit et nos stratégies vers cette exigence commune !