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Jeudi 20 Octobre 2022
La fondation RAJA, un engagement absolu en faveur de l’émancipation des femmes
Sophie Pouget, Déléguée Générale de la Fondation RAJA, est engagée depuis de nombreuses années dans la défense des droits des femmes. À la tête de cette fondation, elle milite pour l’égalité des sexes et contre les violences sexistes.
Sophie Pouget, vous êtes Déléguée Générale de la Fondation RAJA-Danièle Marcovici, en faveur de l’émancipation des femmes. Quels sont les actions et les soutiens emblématiques de la fondation ?
Sophie POUGET - La Fondation RAJA-Danièle Marcovici agit en faveur de l’autonomisation des femmes et des filles. Créée en 2006 par Danièle Kapel-Marcovici, Présidente-Directrice Générale du Groupe RAJA, la Fondation soutient des projets associatifs en France et partout dans le monde. Ses actions s’organisent autour de 4 axes : la lutte contre les violences faites aux femmes et aux filles, l’éducation et le leadership des filles, l’insertion professionnelle et les droits économiques des femmes, et les actions des femmes en faveur de l’environnement. Cela nous a donné l’occasion d’accompagner des acteurs engagés sur le terrain, tels que la Maison des Femmes de Saint Denis qui offre une prise en charge globale aux femmes victimes de violences, Rêv’Elles qui se consacre à aider les jeunes filles et à renforcer leur leadership, le Centre Primo Lévi qui fait un travail dévoué d’accompagnement des femmes migrantes victimes de violences, ou encore, dans un tout autre domaine, le Chemin des Fleurs qui offre aux femmes en situation de grande précarité une chance de se former aux métiers de l’horticulture…
Vous êtes engagée depuis plusieurs années pour la défense des droits des femmes et notamment au sein d’ONU Femmes. Quelle est la capacité d’influence et d’action d’une fondation sur ces enjeux d’égalité femmes-hommes ?
Nous agissons avant tout en cofinançant des projets associatifs. Depuis 2006, nous avons ainsi pu soutenir plus de 600 projets au bénéfice direct de plus de 150 000 femmes en Afrique, Amérique latine, Asie et Europe, pour un budget global de plus de 13 millions d’euros. C’est important car la question du financement est l’un des premiers sujets de revendication des associations féministes. Ces associations disposent d’une véritable expertise en matière d’égalité de genre mais elles manquent de moyens et ne sont pas assez financées. Trop peu de mécènes intègrent la question de l’égalité de genre comme une priorité. Nous faisons partie de la quarantaine de fondations abritées par la Fondation de France qui se consacrent à cette cause. Sur plus de 900 fondations, ce n’est pas assez !
Nous agissons aussi en menant des actions de plaidoyer, particulièrement en matière de lutte contre les violences faites aux femmes et aux filles. Nous travaillons aussi à promouvoir l’action des femmes en faveur de l’environnement. À ce sujet, la Fondation fait partie de plusieurs coalitions. Elle a rejoint la Coalition française des fondations pour le Climat, lancée en novembre 2020 par le Centre français des Fonds et Fondations et qui rassemble 141 signataires engagés dans la lutte contre le dérèglement climatique. Elle est aussi membre de la Coalition d’action sur l'Action féministe pour la justice climatique constituée dans le cadre du Forum Génération Égalité en 2021 sous l’égide d’ONU Femmes. Tous ces engagements nous permettent d’évoluer aux côtés de différents types d’acteurs engagés pour les femmes. Grâce aux discussions que nous avons avec les associations de terrain que nous finançons en France et dans le monde, nous pouvons mobiliser, informer et sensibiliser d’autres types d’acteurs, au sein de la philanthropie française et européenne ou des institutions publiques comme le Ministère chargé de l’égalité entre les femmes et les hommes, les régions, etc…
A l’UNESCO, le 25 novembre prochain [date de la journée internationale de la lutte contre les violences faites aux femmes], se tient l’Université de la Terre. Vous intervenez lors d’une table ronde portant sur le thème « En finir avec les violences faites aux femmes ». Quelles solutions peuvent être envisagées, en France notamment ?
Harcèlement, agressions sexuelles, mutilations génitales féminines… Les violences faites aux femmes et aux filles prennent des formes très diverses. Pour déterminer les coûts de cette violence et évaluer comment la combattre au mieux, il est nécessaire d’avoir une connaissance précise de l’ampleur et de la nature des faits. Encourager les partages d’expertise et les échanges d’expériences est un levier majeur pour améliorer l’efficacité des actions sur le terrain et contribuer à la mise à l’échelle des leçons tirées.
La table ronde que nous organisons a pour vocation de susciter ce type d’échanges, avec la participation d’associations qui sont en première ligne pour accompagner les femmes et accomplissent de véritables missions de service public. Par exemple, le 3919 – le numéro national de référence pour les femmes victimes de violence-, résulte d’une convention entre la Fédération nationale solidarité femmes et l’État.
Les expert.e.s que nous avons réuni.e.s autour de ce sujet pourront en témoigner : la prise en charge des femmes victimes de violences doit être globale : l’écoute, le suivi psychologique mais aussi le logement, la santé, l’emploi et le juridique. Tous ces aspects doivent être considérés pour permettre aux femmes de se reconstruire efficacement et durablement. La formation des acteurs médicaux et sociaux est fondamentale afin de réagir de façon adaptée et d’accompagner ces femmes de la prise en charge à la réinsertion. La formation et la spécialisation des juges sont aussi importantes, tout comme cela des forces de l’ordre. Enfin et surtout, il ne faut pas oublier les actions de prévention qui sont essentielles : l’éducation des jeunes filles et des jeunes garçons représente une solution pour transformer les mentalités et les comportements.
Les autres pays constituent aussi des sources d’inspiration. En Espagne, depuis 2004, la loi contre la violence de genre prévoit la création de tribunaux spécialisés dans les agressions sexistes ainsi qu’une aide juridictionnelle permettant aux victimes de changer d’identité et de bénéficier d’une plus grande protection face à leur agresseur. En Allemagne, depuis 2016, la notion de consentement se limite à l’expression identifiable de la volonté de la personne, - autrement dit, ce qui n’est pas un « oui » est un « non » -. Pourquoi ne pas s’en inspirer ?
Selon le collectif féministe #NousToutes, chaque année le chiffre de féminicides augmente : 102 en 2020 ; 113 en 2021 ; 98 depuis le début de l’année 2022 (soit un décès tous les deux jours). Malgré la mobilisation de nombreuses associations et la diffusion de l'information par la majorité des médias, comment expliquez-vous cette persistance et cette augmentation dramatique de féminicides dans notre pays ?
On constate un certain échec des mesures adoptées par les politiques publiques. Certaines lois promeuvent l’égalité des sexes et la lutte contre les violences sexistes mais rencontrent des difficultés d’application : par exemple, depuis 2018, chaque lycée doit compter un Référent Égalité pour informer et lutter contre les violences faites aux femmes. Cependant, 2 lycées sur 3 n’en ont pas. Or, c’est à l’école qu’on peut déjouer les stéréotypes de genre et les violences qui peuvent parfois les accompagner. L’éducation joue un rôle majeur dans la lutte contre les violences de genre. Les chiffres des violences sexuelles qui touchent la jeunesse sont alarmants : 1 jeune sur 4 déclare avoir déjà eu des rapports sexuels non consentis. Un quart des 18-24 ans estime qu’une femme prend du plaisir à être forcée à avoir un rapport sexuel. 1 jeune femme sur 5 est victime de pornodivulgation. Néanmoins, en pratique, peu de mesures sont mises en place : seuls 3 cours d’éducation sexuelle sont dispensés aux élèves sur la totalité de leur scolarité sur les 21 séances prévues par la Loi Aubry. C’est sur la base de ces chiffres que le Haut Conseil à l’Égalité entre les Femmes et les Hommes a appelé un plan d’urgence de l’égalité à l’école à l’occasion de la rentrée scolaire 2022, encourageant le ministère de l’Éducation nationale à faire de la sensibilisation à la sexualité à l’école une priorité.
Le sujet des violences faites aux femmes est trop souvent perçu comme un sujet isolé : il est nécessaire de montrer qu’il s’agit d’une thématique transversale qui ne touche pas seulement l’intimité du foyer. C’est un sujet qui concerne la société dans son entièreté, et surtout qui concerne les femmes autant que les hommes, à parts égales.